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Questions à Stéphane Scourzic « Cheminer avec les jeunes pour qu’ils se réalisent »

Stéphane Scourzic est formateur au Centre de formation pour travailleurs sociaux de Saint-Brieuc. Il nous fait partager son vécu auprès des jeunes.

Stéphane, pouvez-vous vous présenter ?

J’ai 50 ans, je suis marié avec Valérie et nous avons 4 enfants âgés de 16 à 26 ans. Je suis éducateur spécialisé de formation et depuis 15 ans, je suis responsable de formation et directeur-adjoint à ASKORIA centre de formation pour adultes qui forme à tous les métiers du social (Educateur, Assistant Service Social, Aide à la Personne, Moniteur d’atelier, chef de service etc…).

Je suis également diacre permanent de l’Église Catholique en Côtes d’Armor depuis 12 ans et responsable régional de l’association « Foi et Prière (FeP)», association de la famille Mennaisienne des Frères de Ploërmel qui propose à chaque vacance scolaire, en lien avec les Frères, des rencontres / retraites pour les jeunes de 11 à 16 ans.

Que représente pour vous éduquer ?

Je crois que chaque personne a cette capacité à réaliser son projet personnel et professionnel, son projet de vie à condition d’être accompagné. Nous devons « marcher avec les jeunes » et non « leur faire faire » pour qu’ils soient dans cette dynamique de construction ; marcher avec eux dans les réussites comme lors des échecs.

Toute personne se construit tout au long de sa vie. Le milieu familial ne suffit pas et chacun a besoin de contacts, parfois de confrontation avec l’extérieur, de rencontres permettant de prendre du recul, d’enrichir ce qu’il a déjà reçu et ainsi peu à peu se forger son identité.

Le cheminement commencé dans le milieu familial se poursuit, à l’école, dans les rencontres lors de loisirs sportifs ou autres, dans la formation professionnelle ou lors du premier emploi. La confiance accordée, à la personne, au jeune, est primordiale. Eduquer, c’est « cheminer avec » ; être à côté de la personne, lui faire confiance et le lui dire ; ce qui fait que des années plus tard, comme quand j’accompagnais des jeunes en foyer, certains reviennent en disant : « la parole que tu m’as dit, le geste que tu as fait m’ont permis de reprendre ma route et de m’en sortir ».

Eduquer c’est rencontrer ?

Un éducateur doit être prêt à être lui-même éduqué tout au long de sa vie. Dans ce métier, les éducateurs qui seront en difficultés sont ceux qui « savent » et ne sont pas prêts à la vraie rencontre où chacun apprend de l’autre. L’éducation, c’est d’abord passer par la rencontre qui permet aussi d’apprendre sur soi, avant d’apprendre des techniques.

Quand je rencontre une personne, je ne suis jamais déçu. Je peux être embêté par son comportement, pas par la personne. J’apprends toujours quelque chose des autres. On s’éduque et s’enrichit mutuellement même si je ne comprends pas l’autre tout le temps.

Il faut donc commencer par se connaître soi-même ?

Dans ce métier, il faut d’abord apprendre à se connaître. Est-on colérique, impulsif, intransigeant, ayant du mal à prendre position ? Ce n’est pas une fatalité, on peut changer son comportement si ce dernier est un frein à la relation.

L’éducateur doit s’ajuster, bien sûr respecter et même aimer celui ou celle qu’il accompagne. L’éducateur est par principe, en relation avec l’autre que je n’ai pas choisi, qui n’est pas toujours plaisant.

Prendre du recul, ne pas réagir dans l’immédiateté, faire un pas de côté pour apprécier la situation, autant de postures à développer ; pas toujours facile !

Eduquer ? « Cheminer avec » et aider la personne à se réaliser, à être heureuse. Il n’y a pas qu’un seul chemin, On peut parfois prendre des chemins de traverse.

Au quotidien, je puise beaucoup dans L’Evangile. Le Christ est en effet un bel exemple de compagnonnage.

Quel regard portez-vous sur l’évolution des jeunes ?

Les ados et les jeunes adultes ont sous leurs yeux le supermarché du disponible : en biens de consommation, internet, en réseaux sociaux…  Actuellement, nous voyons le risque de tout relativiser, tout mettre sur le même niveau. L’influenceur d’un réseau social peut avoir plus de valeur que l’adulte qui est à ses côtés. Sur quel repère s’appuyer ? L’important est de développer leur esprit critique et les aider à se construire des repères.

Le rôle des parents est fondamental. Même s’ils ne sont pas parfaits, s’ils font des erreurs, ils donnent des repères, rassurent, mettent des limites, montrent leur désaccord.

Le jeune trouve ses premiers repères dans la famille et il doit les compléter ensuite à l’extérieur avec d’autres personnes.

Face à mes étudiants, je prends souvent l’exemple du réservoir d’une voiture pour expliquer la capacité d’un jeune à faire face aux difficultés de la vie. Quand le réservoir est vide, la voiture s’arrête. Dans la vie d’un jeune, quand le réservoir affectif est vide, tout devient difficile. Mais quand le réservoir a été rempli par les parents, au plus jeune âge, complété par diverses expériences valorisantes au cours de son adolescence, il ne sera jamais totalement vide. S’il y a un pépin dans la vie, une rupture une perte d’emploi, le réservoir, même s’il est vidé par cette expérience négative, ne sera jamais totalement vide. En s’appuyant sur cette base affective accumulée au fil de son enfance, de son développement, la personne pourra rebondir et à nouveau remplir son réservoir par de nouvelles expériences valorisantes. C’est parfois difficile de se relever mais ce n’est pas impossible. La résilience existe toujours.

On ne réussit pas tout, certains jeunes que j’ai accompagnés sont en prison ou sont décédés mais d’autres se sont relevés. Il faut rester humble, sans minimiser notre rôle d’éducateur. Nous ne sommes cependant que de passage dans une petite période de la vie d’un jeune.

Que vous inspire le monde virtuel dans lequel nous vivons ?

La virtualité offre des opportunités, notamment dans le domaine de la formation, mais cela ne doit pas empêcher la relation directe. Nous devons aussi faire en sorte que les jeunes restent ancrés dans la réalité au quotidien par les rencontres avec des adultes engagés. Or, nous observons un certain désengagement des adultes au niveau du bénévolat dans le sport, le théâtre, les loisirs… Les jeunes ont pourtant besoin de ces repères et d’accompagnement d’adulte.

Comment vous situez-vous en tant que chrétien dans un monde laïc ?

Au travail, je suis dans un milieu laïc, je n’affiche rien, ma croix de diacre est cachée. Par contre, tous les collaborateurs savent que je suis engagé dans l’Église. La plupart ne savent pas ce qu’est un diacre mais ils savent pouvoir trouver un lieu pour échanger sur des sujets personnels, de foi. J’ai ainsi accompagné plusieurs collègues dans le passage de situations difficiles.

Mon travail est super car je suis au coeur du monde pour vivre ma vocation de baptisé. Mais je sais aussi que les chrétiens n’ont pas l’exclusivité du souci du bien commun. Certains non-chrétiens font bien plus que moi.

Je suis rassuré que des non-chrétiens ont foi en l’homme et se mobilisent. Ce que nous avons en plus c’est de croire que ce que nous construisons ici-bas se poursuivra ailleurs. Notre passage sur terre n’est qu’une étape. La mort n’est pas une fin pour nous et pour ceux que nous croisons et accompagnons sur notre chemin de vie.

Propos recueillis par Patrick Bégos

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