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Ali, représentant de MOORIBEN (fédération d’unions de groupements de paysans du Niger)

Accueil du partenaire du CCFD Terre Solidaire :

  • Impacts des changements climatiques : 

« ici , vous êtes contents quand vous voyez le soleil ; chez nous, on ne s’en réjouit plus, car maintenant les températures montent à 50°( avant c’était 40 – 45°), et les gens sont mal … ».

« depuis 2010 on constate des périodes d’inondations, en plus des sécheresses … C’est compliqué de s’adapter pour ceux qui cultivent. L’eau est de plus en plus difficile à avoir : 80-100m de profondeur pour les forages  ».

  • « La priorité de MOORIBEN c’est un programme de sensibilisation à l’agroécologie pour aller vers la sécurité alimentaire : restaurer les terres dégradées, promouvoir une culture environnementale, avec le souci de protéger l’arbre … promouvoir des semences adaptées et la lutte contre les OGM… »

«  Nos activités sont le conseil agricole (l’état ne le fait plus ; il a abandonné le secteur agricole à lui-même).  Notre stratégie est de former des animateurs et des paysans relais pour toucher un maximum de personnes. On utilise les radios locales pour diffuser. Concrètement, on met en place des champs-écoles, des dons de kits ovins de 3 animaux pour la matière organique, on expérimente la fabrication de compost et de fertilisants…

A l’échelle des communes, nous favorisons la mise en place de pépinières où chaque paysan confie ses graines, de banques céréalières qui sont un stockage local de mil pour faire face à la période de soudure. Mooriben soutient l’aménagement de sites maraîchers, parfois en demandant l’usage de terrres dégradées dans les localités, pour les réhabiliter et les confier à des femmes, ou à des jeunes, ou encore à des familles qui ont un membre handicapé; ça leur évite d’aller mendier en ville ».

« 56000 ha sont passés à l’agroécologie depuis 5 ans. Pour analyser l’impact, et continuer à convaincre, on a besoin d’évaluer les résultats de nos expériences ; on travaille avec des organismes universitaires et de recherche ».

  • Diversité des migrations : « en dehors de la saison des pluies, les hommes ne sont pas là ; ils s’en vont travailler dans les pays voisins, notamment côtiers, pour améliorer le revenu » .

«  Notre pays est aussi traversé par des migrants en transit vers la Lybie, ou le Mali. Ils veulent venir en Europe. Mais maintenant des accords avec l’union européenne les bloquent dans des camps, dans des villes. Il y a des milliers de gens en attente. Ces villes sont saturées. C’est critique ».

  • Paix et vivre ensemble

« En Afrique , nous avons la pratique de la parenté en plaisanterie pour faciliter de vivre ensemble : tu plaisantes ton cousin d’une ethnie différente, tu dis les vérités, et lui aussi, mais chacun sait où s’arrêter … »

 « l’action de Mooriben est de créer le cadre du dialogue, pour que les gens discutent et il y a des résultats, avec moins de conflits : c’est ce qui s’est passé pour la réforme foncière ».

« Il y a aussi les accords juridiques locaux, où on demande aux parties de s’asseoir et discuter pour proposer eux-mêmes des accords ; par ex : si l’eau d’une mare sert à tous( éleveurs, agriculteurs, fabricants de briques…) il faut trouver des règles d’usage … »

« aujourd’hui, il n’y a plus de massacre entre éleveurs et cultivateurs grâce au travail de dialogue mis en place » .

« Mais il y a des limites, on ne maîtrise pas tout : les éleveurs confient leurs troupeaux à des bergers , souvent de jeunes Peuls, qui font de plus en plus de kms pour trouver le pâturage, au-delà des frontières parfois, avec des taxes et tracasseries … Au retour ils n’ont rien gagné. Ce sont eux que le djihadisme va recruter. Ils troquent le bâton contre la kalachnikov. Ils n’ont jamais fait l’école. Les jeunes non éduqués sont une bombe à retardement. Il y a des zones où la terreur s’est développée, avec des gens qui fuient.»

« Il y a des sources de grandes frustrations pour les nigériens: le pays a de nombreuses ressources (comme l’uranium, l’or, le fer…) mais il n’y a pas de résultats pour la population. L’argent va dans la poche des politiques. Il y a un sentiment d’abandon de responsabilités par le gouvernement. Ce qu’on reproche, c’est que les élections se font dans l’opacité, et l’occident soutient. Après le régime se retire des zones insécures …»

 

  • La place des femmes : « en rural, à 12-13 ans les filles se marient. La natalité est très forte (8 enfants en moyenne), malgré les campagnes de sensibilisation à la contraception. C’est l’éducation qui manque.

La vie des femmes est difficile. Ce sont elles qui font vivre l’économie quand les hommes partent à la saison sèche, par leurs activités informelles de petits commerces ou de maraîchage. Mooriben favorise leur accès à des petits lopins de terre, et à l’équipement nécessaire pour de petites transformations. Elles pourront vendre au marché et avoir un peu de revenu, ce qui favorise leur intégration sociale.  Mooriben les encourage aux responsabilités et à la prise de parole. Avant elles restaient aux tâches ménagères ; maintenant elles émergent dans les formations avec les hommes, et dans les assemblées générales et les conseils d’administration des groupements ».

  • L’éducation :  « L’état n’investit pas dans la jeunesse. L’éducation n’est pas de bonne qualité : les constructions des écoles sont en paille (avec le risque du feu). Les enfants sont assis à même le sol, 130 à 150 enfants par classes. La moitié des nigériens a moins de 15 ans, et le taux de scolarisation est inférieur à 50%. L’insécurité actuelle provoque aussi la fermeture des écoles ».

 MOORIBEN et le CCFD Terre Solidaire :  « Le CCFD c’est notre partenaire le plus fidèle depuis 10 ans. Ce ne sont pas des miettes : c’est 30% de notre budget. Avec les autres bailleurs de fonds, c’est beaucoup de travail pour répondre à leurs appels à projets, et certains ont réorienté leurs financements vers l’Etat, suite à une loi de centralisation, mais après nous n’avons plus rien reçu …

En plus, avec le CCFD-Terre Solidaire, on reçoit un accompagnement de qualité ».

Le CCFD-Terre Solidaire soutient 5 partenaires au Niger, dont MOORIBEN .

Le nom MOORIBEN, choisi par les paysans à la création de la structure il y a 30 ans , signifie « la misère est finie » .

Propos recueillis par Annie LE MERCIER (équipe d’accueil 2022- Côtes d’Armor)

 

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