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Question à Mickaël LEVACHER, Curé, Paroisse de la Bonne Nouvelle à Lannion et à Serge KERRIEN (diacre)

Une lettre aux baptisés a été publiée et distribuée le jeudi saint. Elle est à l’initiative des prêtres du diocèse. Nous avons demandé à Mickaël et à Serge de nous préciser l’objet de cette lettre et les attentes des prêtres ?

Bonjour Mickaël, 

Pouvez-vous vous présenter ? 

Je suis prêtre depuis 14 ans, curé de la paroisse de la Bonne Nouvelle à Lannion depuis 2016. 

 

 

Bonjour Serge,  

Pouvez-vous vous présenter ? 

J’habite Binic, je suis diacre permanent, chargé de mission à la Conférence des Evêques de France pour la liturgie.

 

 

 

Le conseil des prêtres autour de l’évêque a écrit une lettre destinée aux baptisés de notre diocèse. Elle a été diffusée le jeudi saint 1er avril. La première réaction de certains chrétiens qui ont lu cette lettre a été : « Qu’avez-vous voulu nous dire ? Qu’attendez-vous de nous ? »

ML : Elle est un appel au dialogue, l’expression d’un besoin de nous parler en vérité et d’un désir d’avancer ensemble. Malheureusement, je constate qu’elle n’a pas eu beaucoup de retentissement.

SK : Elle est une invitation à poser un regard lucide sur notre Eglise, sur la réalité vécue dans nos paroisses, à prendre conscience de certaines fragilités humaines et spirituelles, pour inventer ensemble de nouveaux chemins d’évangélisation.

Dans cette lettre aux baptisés, il est écrit : « Depuis trois ans, malgré le contexte sanitaire, nous avons entrepris une démarche de réflexion sur notre ministère, avec les confrères du diocèse de Quimper, soutenus par nos évêques. Nous avons été aidés par des frères et sœurs chrétiens de divers horizons et diverses compétences.
Nous avons essayé, entre nous et avec eux, de relire notre mission pour voir comment améliorer notre manière de vous servir et de vivre notre foi pleinement. »

Pouvez-vous expliciter l’origine de cette réflexion et de cette démarche ? 

SK : Avec le Père Sébastien GUIZIOU (actuel vicaire général de Quimper), nous partagions un constat semblable dans nos diocèses respectifs : des prêtres, en particulier des curés, recevant la charge de paroisses de plus en plus grandes ; certains connaissant de sérieux problèmes de santé ; le sentiment d’un manque voire d’une absence d’accompagnement épiscopal ; l’absence de projection à moyen ou long terme. Nous portions une attention particulière aux plus jeunes arrivant dans le ministère. Nous avons alors pensé mettre en place, avec l’accord de nos évêques, une équipe interdiocésaine qui réfléchirait à un renouvellement de la mission des prêtres. Beaucoup de liens dans nos communautés et avec le monde qui nous entoure ont été perdus ou abîmés.

ML : J’ai été sollicité en septembre 2016 pour rejoindre cette équipe de travail interdiocésain. Constituée de 5 prêtres, un diacre permanent (Serge) et d’une laïque spécialisée dans le coaching et l’accompagnement des changements dans l’Église, cette équipe a eu pour mission, avec le soutien des deux évêques, d’engager une démarche de renouveau presbytéral pour la mission en impliquant tous les prêtres de moins de 75 ans.

Au terme de ces 3 années, à quelles convictions, à quels constats, à quels déplacements, êtes-vous parvenus ? 

Photo Paroisse de la Bonne Nouvelle – Lannion

ML : Les mots « relations » et « proximité » m’apparaissent essentiels. J’ai le sentiment qu’au départ, nous étions plutôt focalisés sur la relation : prêtres/évêque, avec les manques et les attentes que nous, prêtres, pouvions formuler. En avançant dans la démarche, je constate que la question des relations est restée essentielle mais qu’elle s’est plutôt déplacée en nous interrogeant sur la qualité de nos relations entre prêtres et avec l’ensemble des baptisés.

Nous, prêtres, attendons de vivre une plus grande proximité dans des ensembles paroissiaux n’étant plus à taille humaine.

SK : Il y a urgence à recréer ces liens, à redonner confiance, à mieux accompagner les personnes pour témoigner de l’Évangile.

Concrètement, aujourd’hui, qu’est-ce qui est souhaitable, envisageable, urgent, pour vivre le ministère de prêtre dans de meilleures conditions et pour que les communautés paroissiales ou autres puissent être pleinement missionnaires ? 

SK : Il est souhaitable de nommer des équipes de prêtres, de favoriser le partage des responsabilités pastorales pour permettre au prêtre d’honorer le cœur de sa mission, de pouvoir déployer ses charismes. Tous les prêtres ne sont pas faits pour être curés.

ML : Il me semble essentiel d’accompagner les personnes que nous appelons en Eglise. Nommer un prêtre comme curé d’une paroisse, sans lui offrir un accompagnement dans sa mission, c’est l’envoyer au casse-pipe. C’est vrai aussi pour tous les baptisés appelés à un service d’Eglise.

 

Cette démarche est aussi complémentaire de la démarche synodale entreprise dans notre diocèse depuis 2016 et poursuivie par le synode universel souhaité par le Pape François sur les enjeux de communion, de participation et de mission. Pouvez-vous donner une définition simple de la « synodalité » ? 

ML : C’est tout simplement vivre en Église, pas seulement « faire Église » ou « travailler en Église », comme on le dit trop souvent. Vivre cette mission que le Christ a confiée à son Église, redécouvrir ce qui fait notre ADN chrétien.

SK : C’est une invitation à vivre la mission dans la complémentarité des vocations, chacun à sa place, chacun selon son charisme, avec la conscience que nous ne sommes pas interchangeables.

Les textes du concile Vatican II semblent peu connus de nos contemporains. La notion d’Église reste liée à la sphère institutionnelle. Ne pensez-vous pas que nous devrions envisager pour tous les diocésains, une formation sur l’Eglise ? Si oui, sur quels points souhaiteriez-vous accentuer la formation ? 

SK : Oui, il serait bon de proposer une formation en ecclésiologie pour mieux comprendre la complémentarité des vocations au sein de l’Eglise et la mission de celle-ci, et pour accepter les changements nécessaires.

ML : La formation est essentielle à condition qu’elle s’accompagne d’une réelle conversion des cœurs sinon nous risquons d’en rester à des débats stériles sur les changements qui devraient intervenir dans l’Eglise, sans qu’aucun d’entre nous n’accepte de se remettre en question. Ces débats-là finissent par fatiguer et risquent de faire fuir les plus jeunes.

« Avec vous, nous sommes chrétiens ; pour vous, nous sommes prêtres. » Le concile Vatican II, dans son texte sur l’Eglise (Lumen Gentium) a d’abord défini l’Eglise comme un peuple de Dieu avant d’être une organisation hiérarchique. Dans son numéro 10, elle articule la notion « de sacerdoce commun des fidèles à celle de sacerdoce ministériel ». Dans la lettre aux baptisés, il est écrit : « Avec vous, nous aspirons à un meilleur partage des responsabilités au sein de nos paroisses, de nos communautés, de notre diocèse, pour honorer la diversité et la complémentarité des charismes et des vocations ». Dans vos lieux de mission, quels moyens avez-vous déjà mis en œuvre pour « un meilleur partage des responsabilités », pour appeler en fonction des charismes, pour ouvrir de nouvelles expériences missionnaires ? 

ML : En paroisse, nous avons constitué une petite d’équipe d’une douzaine de personnes pour discerner et réfléchir à une vision pastorale pour notre paroisse à 5 ans. Pour cela, nous nous sommes faits aider par des chrétiens formés, engagés au service d’une transformation missionnaire (association Talenthéo). Cette expérience nous a aidés à prendre du recul par rapport aux urgences pastorales, à élargir notre équipe de travail au-delà de l’EAP et à dégager quelques axes prioritaires que nous avons communiqués lors de l’assemblée paroissiale en mars dernier.

Photo Paroisse de la Bonne Nouvelle – Lannion

Dans certaines paroisses, outre l’Equipe d’Animation Paroissiale (E.A.P.), il y a également un ou une délégué(e) pastoral(e). Quel est le rôle de ce délégué au sein de votre paroisse de la Bonne Nouvelle ?

ML : C’est l’expérience que je vis depuis 4 ans, d’abord avec une femme appelée à cette mission au sein de notre paroisse, puis aujourd’hui avec deux délégués pastoraux : un homme et une femme. Cette responsabilité nouvelle confiée à des laïcs requiert du temps pour être bien assumée et bien comprise par les paroissiens. En tant que curé, j’apprécie la rencontre hebdomadaire que nous avons pour veiller à l’ensemble de la vie paroissiale en complémentarité des réunions mensuelles de l’EAP.

Au terme de cette interview, pouvez-vous nous confier une joie, une difficulté et un espoir qui vous anime dans votre ministère presbytéral ou diaconal ?

SK : J’ai beaucoup de joie dans mon ministère diaconal, même s’il est un peu particulier. La difficulté, c’est d’abandonner ce qu’on connaît pour aller vers l’inconnu. Ce qui me donne espoir c’est que le Christ et l’Esprit Saint ne nous abandonnent jamais. Avec eux, nous sommes capables, ensemble d’inventer des voies nouvelles pour annoncer l’Evangile.

ML : Je suis heureux d’être prêtre aujourd’hui, sans aucune nostalgie, avec le sentiment que nous rentrons pleinement dans la réception du renouveau que le Concile Vatican II a suscité dans l’Eglise.

Je me sens parfois à l’étroit dans une Église qui préfère son « petit confort » à l’audace missionnaire.

Ce qui me donne de l’espoir ? Ce que l’Esprit suscite dans le cœur de chaque personne.

Propos recueillis par Roland (curé de la Communauté pastorale Littoral Ouest)

 

 

 

 

 

 

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