Trouver mon horaire de messe : Voir les horaires

« Ne soyez pas tristes, témoignez de l’amour du Christ »

Le Père Didier Kiwenseda, originaire du Burkina Faso, a passé quelques semaines dans la communauté pastorale cet été. Il nous détaille comment a évolué son pays au niveau politique, économique et spirituel.

Père Didier, comment a évolué le Burkina Faso au niveau politique depuis votre dernier séjour en Bretagne ? 

Le terrorisme est apparu dans le pays en 2015 avec les attaques sur Ouagadougou. Dans le Nord et l’Est, les habitants avaient deux choix possibles : se convertir à l’islam ou quitter leur village. Beaucoup d’entre eux ont choisi de se déplacer.
Devant cette situation politique dégradée, les militaires ont mené un premier coup d’État le 24 janvier 2022. La junte militaire, avec le colonel Damiba, a pris le pouvoir, succédant au président Rock Marc Christian Kaboré, élu démocratiquement en 2015 puis réélu en 2020.

En septembre 2022, un nouveau coup d’État militaire a porté au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré. C’est encore le cas aujourd’hui.

Sur le terrain, la situation s’est légèrement améliorée, le nord du pays est toujours inaccessible. Ainsi, l’évêque de Rodi ne peut pas circuler librement dans son diocèse, il doit être transporté par hélicoptère militaire. En 2022, 60 % du pays était occupé par les djihadistes, aujourd’hui c’est de l’ordre de 40 %.

Le projet de la nouvelle junte est d’armer les volontaires pour qu’ils défendent la patrie contre les terroristes. La situation s’est légèrement améliorée et des personnes commencent à regagner leur village.

Contrairement au Mali ou au Niger, il n’y a pas d’instructeurs Wagner, mais par contre, les armes proviennent de Russie. Elles transitent par les militaires burkinabés qui les donnent aux gens formés. Pourquoi la Russie ? Parce que les sanctions de la CDAO (Communauté des Etats africains de l’ouest) et de l’Union Européenne ainsi que les problèmes de convertibilité du franc CFA ont abouti à l’arrêt de la fourniture d’armes par la France. La Russie accepte de nous vendre des armes en contrepartie de l’or que nous leur donnons.

Notre situation politique internationale reste difficile. Nos seuls alliés sont le Mali, le Niger et la Russie. Les relations diplomatiques avec la France se sont dégradées. La politique française est mal perçue. Par contre, les français ont toujours une bonne image, l’aide humanitaire continue à travers les associations caritatives.

Il est difficile de savoir comment évoluera cette situation interne. Le gouvernement est un gouvernement de transition bien qu’il n’y ait pas d’élections en vue pour le moment. La communication, notamment par la presse, est très contrôlée.

Et la situation au niveau économique ?

Nous sommes revenus 20 ans en arrière, au niveau économique. Une partie de la population a été déplacée. Le Burkina Faso vit à 80 % de son agriculture, certains habitants ont perdu leurs terres et ne produisent plus de denrées agricoles. Nous avons une inflation très importante sur l’alimentation. Certains produits que l’on achetait en 2022 avec 1 € coûtent aujourd’hui 2,50 €.

Le gouvernement va mettre en place un actionnariat populaire pour faire participer tout le monde au développement de l’agro-alimentaire. De nouvelles taxes ont été mises en place : 10 % sur les boissons (alcoolisées ou non), 5 % sur les communications téléphoniques, le prix de l’essence a également augmenté. Le but est de contribuer à l’effort de guerre. Certes, le smic a augmenté mais il est difficile de vivre correctement. Le taux de pauvreté a progressé.

Face à ce contexte difficile, on observe un élan de solidarité entre burkinabés. Les « déplacés » sont accueillis. Ils vivent souvent de petits travaux.

Dans ce contexte tendu, comment les chrétiens vivent-ils leur foi ?

60 % des habitants du Burkina Faso sont musulmans, 23 % sont chrétiens et 15 % sont de religion traditionnelle. Les chrétiens vivent leur foi avec difficulté notamment dans le Nord où ils subissent des pressions. Globalement, il y a plus de méfiance qu’avant, malgré la volonté des autorités religieuses d’apaiser les relations et de tout faire pour bien vivre ensemble.

Porter un signe religieux comme la croix est mal vu. Il faut voyager en habit civil. Certains djihadistes sont modérés et demandent simplement aux habitants de se convertir ou de partir. D’autres sont plus radicaux et peuvent aller jusqu’au meurtre.

L’Église du Burkina est jeune, elle a 123 ans car l’évangélisation n’a démarré qu’en 1900. La pratique religieuse se maintient en semaine et le dimanche. Nos messes quotidiennes sont fréquentées le matin, elles durent une demi-heure et les participants vont ensuite au travail ou à l’école.

Le diocèse de Banfora a ordonné 3 prêtres cette année et le séminaire accueille 26 séminaristes.

La Covid nous a permis de mettre en place les nouvelles technologies. La radio diffuse les messes, ce qui permet aux personnes qui ne peuvent pas être présentes de participer. Notre Eglise s’est un peu réinventée dans ce domaine.

Vous êtes économe du diocèse et vous avez mis en place quelques projets. Où en êtes-vous ?

L’élevage de poulets et de pintades poursuit son développement et contribue aux finances du diocèse. La boulangerie-épicerie-cafétaria est également très fréquentée par les habitants, gros consommateurs de pain.

Par contre, le centre médical n’est toujours pas ouvert faute d’autorisation. Le CHU se trouve à 85 km et nous avons construit ce centre doté d’un dispensaire, d’une pharmacie, d’une maternité, d’un centre d’imagerie médicale et d’une structure opératoire. Tout est construit, équipé de matériel, financé et prêt à démarrer, il nous manque simplement l’autorisation dont nous espérons l’arrivée prochaine.

Pensez-vous que l’avenir du pays soit sombre ?

Je ne le pense pas. La nouvelle junte militaire s’est fixé comme objectif de lutter contre la corruption. Une cellule de lutte a été mise en route et elle a traduit en justice un certain nombre de personnes. L’objectif est d’assainir le climat économique car la population ne profitait pas des aides financières octroyées par la communauté internationale. Le Burkina Faso est doté de richesses minières telles que l’or, le zinc, le cuivre, le charbon et la population du pays doit en bénéficier.

Comment s’est passé votre séjour en Bretagne ?

J’apprécie beaucoup la France et la Bretagne. Je sens que l’Église est ici une famille et c’est important. Chacun est libre de pratiquer sa religion ou pas. En Bretagne, j’observe un grand enracinement dans la foi, une grande participation aux pardons et une volonté de maintenir le patrimoine culturel religieux.

C’est pour moi une joie de revenir pour la quatrième fois chez vous. Les paroissiens sont chaleureux, gentils et n’hésitent pas à m’inviter chez eux.

Que signifie aujourd’hui être missionnaire en Afrique ?

Il y a des zones où l’Evangile n’est pas parvenu aux habitants car nous avons une Eglise jeune. Nous avons encore des efforts à faire. Nous devons vivre simplement les valeurs de l’Évangile et témoigner de notre vécu de chrétien.

Depuis l’assassinat de l’ancien président Thomas Sankara, de grandes avancées ont eu lieu, les cœurs se sont apaisés et la réconciliation est bien présente. Nous devons tous continuer à lutter contre le terrorisme qui cherche à nous diviser.

Avez-vous un message pour les paroissiens ?

En France, les gens ont peur d’afficher leurs convictions religieuses, de se montrer sous leur visage de chrétiens. Vous devez essayer d’afficher clairement vos convictions dans le domaine politique, économique et religieux, en étant exemplaire dans votre vie.

Vous avez tout à portée de main et pourtant les gens sont tristes. Je vous dis « ne soyez pas tristes soyez au contraire dans la joie, avancez et témoignez de l’amour du Christ. Persévérez dans la foi et la pratique religieuse, ne perdez pas courage ».

Propos recueillis par Patrick Bégos

 

NB : Lors de sa dernière messe parmi nous le samedi 16 septembre, l’abbé Didier Samne avait fait des recommandations (suite à la 1ère lecture Ben Sira le sage ) et en particulier il a prescrit à l’assemblée présente deux médicaments :

– Le Miséricordieucétamol effervescent (pour vaincre la rancune et la colère)
– La sourianmicine comprimé (pour vaincre la mélancolie et voir la vie en rose) 

Abbé Didier K. SAMNÉ
 » Ma grâce te suffit  » 2Co12,9

 

 

Défilement vers le haut