Trouver mon horaire de messe : Voir les horaires

La vie religieuse en paroisse pendant la première guerre mondiale

(Photo illustration  : vitrail de l’abbé Marec, originaire de Tréguidel, recteur de Trélévern, soignant les blessés. Église de Tréguidel)

Quand le 1er août 1914, retentit le tocsin annonçant la mobilisation générale, le clergé du Diocèse de Saint-Brieuc comprend 1160 prêtres : 835 exercent leur ministère, 210 enseignent, 95 ont cessé leurs fonctions et 20 exercent dans un autre diocèse : de son côté, le Grand Séminaire compte 140 élèves. Durant la première année de la guerre, 550 prêtres et 112 séminaristes sont mobilisés. En outre, deux prêtres ont été désignés comme aumôniers militaires et, en tant que tels, bénéficient des pleins pouvoirs pour administrer les sacrements aux soldats mobilisés, considérés comme des « hommes en danger de mort ».

Dirigé par un évêque remarquable, Mgr Jules-Laurent Morelle, le diocèse de Saint-Brieuc & Tréguier fait preuve d’un patriotisme exemplaire mais il va aussi devoir faire face à l’absence de nombreux prêtres : quelle sera la vie religieuse dans les paroisses.

l’Évêque

Les conséquences de la séparation de l’Église et de l’État de 1905, qui a marqué si fortement la Bretagne, ne sont pas encore éteintes en 1914 et continuent d’émouvoir les catholiques. En 1906, à peine installé, Mgr Jules-Laurent Morelle, a dû subir son expulsion du palais épiscopal, l’Hôtel de Bellescize. Puis les épreuves se sont succédé : la dispersion du Grand Séminaire dans Saint-Brieuc, le transfert des Petits Séminaires de Tréguier et de Plouguernével, l’expulsion des religieux des congrégations religieuses, dont en juin 1914, celle des Filles de Saint Marie de la Présentation à Broons. Une expulsion « musclée » qui suscite une grande émotion dans la population.

Toutefois, dès les premiers jours de la guerre, les sœurs vont revenir d’exil et soigneront les blessés dans leur chère communauté : le 24 octobre 1918, 16 seront décorées pour les soins prodigués pendant 4 ans.
L’Église s’engage sans réserve dans l’effort de guerre : le 4 août 1914, l’Évêque a présidé à la Cathédrale des prières solennelles pour les soldats du 71e RI qui partent le lendemain matin. Pour les saluer au départ du train, les autorités civiles et militaires sont sur le quai de la gare, la foule est au pont du Boulevard National mais l’évêque est « interdit de gare » et ne peut bénir les soldats que depuis la terrasse voisine de l’établissement religieux des Sourds-Muets.

Les établissements religieux de la ville avaient pourtant hébergé des soldats du 71e et du 271e Régiment d’Infanterie. Toutefois, les mentalités évoluent et le 9 août, pour le départ du train des réservistes du 271e RI, l’évêque sera parmi les notables qui saluent le départ des troupes. Les hôpitaux militaires, installés dans les établissements religieux des villes du diocèse sont tous inspectés par l’Évêque. Dès le 25 août 1914, arrive un premier train de 608 blessés et le 5 septembre 1914, l’Évêque préside à Saint Michel, les obsèques d’un premier combattant décédé en hôpital.
En octobre 1914, une circulaire ministérielle sectaire supprime à Saint-Brieuc, les oratoires ouverts dans les hôpitaux installés en milieu religieux. L’Évêque Jules-Laurent Morelle réplique par une très belle lettre adressée au Président de la République Raymond Poincaré ; le Ministre de la Guerre, Millerand, doit faire réviser sa circulaire, tout en demandant le respect de la liberté de conscience pour tous les blessés hébergés dans ces établissements religieux. On mesure ainsi l’implication totale du Diocèse dans ces temps de Guerre. La forte personnalité et l’efficacité de Mgr Jules-Laurent Morelle, qui est également le créateur de la Fondation du Denier du Culte, puisque depuis 1905, les prêtres ne bénéficient plus des indemnités de l’État. Il va également créer « Le tricot du soldat », collecté dans les paroisses, pour aider les soldats à lutter contre le froid dans la boue des tranchées.

La vie des paroisses

Le Doyenné de Saint Michel compte 16 prêtres mobilisés : 4 prêtres de la paroisse St-Michel ont été mobilisés et il ne reste plus que le curé et deux prêtres non mobilisés car réformés, mais la paroisse bénéficie du renfort de prêtres affectés dans les hôpitaux. A Plérin, où tous les prêtres ont été mobilisés, grâce à un vicaire de Bréhand affecté en renfort et un prêtre-enseignant, les messes peuvent avoir lieu chaque dimanche, au Légué, à St-Laurent, au Sépulcre et à St-Éloi.
A Pordic, deux vicaires ont été mobilisés et un vicaire reste seul avec le recteur (un prêtre « habitué » assure les offices au Vaudic).

Le recteur de La Méaugon assume la charge des deux paroisses de La Méaugon et de Trémuson ». (La comparaison avec notre situation actuelle nous laisse perplexes !)

« Le Clocher de Pordic » notamment permet de suivre la chronique paroissiale pendant ces années de guerre à travers les nouvelles religieuses, l’éditorial du Recteur, l’état paroissial et les services de la semaine.
La vie du village à travers les avis de la mairie (les réquisitions, les corvées imposées …), les vaccinations du médecin, la venue du receveur des impôts …
Il comprend également des récits édifiants, des prières pour le temps de guerre, l’histoire de Pordic, des lettres du nouveau Pape Benoît XV ou des directives de l’Evêque, Mgr Morelle.

Des nouvelles du Front sont souvent données par des soldats ou des prêtres mobilisés : le regain de la foi et le désir de remplir les devoirs religieux sont soulignés par les prêtres. « Le canon prussien est vraiment un grand prédicateur » écrit l’aumônier F. Le Douarec.

Monument OPEX (Paris)

Des soldats décrivent la vie des tranchées : « A 5h00, un prêtre-soldat nous a dit la messe. Sur 300 soldats que nous sommes ici, pas un n’a manqué à l’appel. Emus, la tête nue, nous chantions des cantiques. Dimanche prochain, c’est la Fête-Dieu, nous ferons mieux encore.
Tous les soirs au retour de la tranchée, chacun apporte quelques branches vertes ou fleuries pour décorer notre église. Il faut dire que notre ami, le prêtre, dit la messe comme s’il était dans une cathédrale ».
Un autre soldat remercie ses parents d’être allés chercher à pied une médaille miraculeuse de la Vierge Marie à Notre-Dame d’Espérance (1915).

Le nom et l’unité des nombreux soldats qui reçoivent le « Clocher » hebdomadaire sont publiés : ce sont autant d’indications recherchées car elles favorisent la solidarité entre paroissiens. La vie du combattant est aussi évoquée par les distinctions, les citations et les promotions. Parfois, des éclaircissements géographiques sont donnés sur des lieux de guerre : les Dardanelles, par exemple.

D’autres lettres évoquent l’atrocité de la vie du combattant dans les tranchées : « A 19h00, départ pour les tranchées sous une pluie battante … 8 Km de boyaux pour arriver en première ligne, de l’eau jusqu’à mi-jambe : je me figurais à l’herbier. On n’y voyait goutte. Je suis arrivé à mon poste à 1h du matin, après avoir marché pendant trois heures sur des cadavres, car le secteur que nous avons a été repris aux Boches dernièrement et il y a plus de 2 000 cadavres ».

En janvier 1916, les 21 jeunes de classe 17 de Pordic sont appelés sous les drapeaux avec un an d’avance. Le « Clocher » l’appelle « La Classe de la Victoire » : ces pordicais seront au contraire engagés dans les terribles combats de Verdun et de la Somme. Pour ces soldats catholiques « qui acceptent par avance, tous les risques, toutes les souffrances, tous les sacrifices qui les attendent », Mgr Morelle demande que les « Catholiques de l’arrière » leur apportent des « prières qui sont aussi des munitions » et pendant le Carême, des prières quotidiennes publiques sont dites dans le Diocèse.

Les dévotions à Jeanne d’Arc, béatifiée en 1909, à la Vierge Marie, au Sacré-Cœur sont vivement encouragées : lors d’une cérémonie d’intronisation, la famille doit se consacrer solennellement au Sacré-Cœur de Jésus et « une image représentant le Sacré-Cœur sera mise à la place d’honneur du foyer ». On la retrouve encore bien souvent dans les maisons habitées par des personnes âgées.

Après ces quatre années de guerre et d’épreuves si douloureuses, le « Clocher de Pordic » du 14 novembre 1918 (26e dimanche après la Pentecôte) rend compte de l’Armistice : « Lundi dernier, l’heure de la Victoire si impatiemment attendue et si chèrement achetée sonnait enfin pour la France et pour tous ses alliés » …

Ainsi, après 51 si longs mois, s’achève la terrible épreuve : une cérémonie d’action de grâces est improvisée à 5h00 à la Cathédrale : elle rassemble toutes autorités civiles et militaires et la foule qui déborde sur la place. Le Maire, Henri Servain, et l’Evêque, Mgr Morelle, rejoignent alors la mairie et paraissent ensemble au balcon à la demande de la foule. Tous deux soulignent l’Union Sacrée qui a régné à Saint-Brieuc pendant l’épreuve et chacun souhaite qu’elle se perpétue après la guerre car « c’est de cette union sacrée que résultera la grandeur de la France ! ».
Le dimanche 17 novembre 1918, au son des cloches, à l’issue de la messe, un magnificat d’action de grâces, immédiatement suivi du « De Profondis » pour les « Soldats morts pour la Patrie » a été célébré dans toutes les églises et chapelles du Diocèse.

Le « Clocher de Pordic » conclut : « NOS MORTS : Tout en chantant la victoire et le triomphe de la France, nous évoquons leur souvenir et nous leur rendons hommage. Et notre hommage à nous, Chrétiens, c’est une prière demandant à Dieu de leur donner à tous, sans retard, la récompense de leur sacrifice, la Gloire et le Bonheur de l’éternité.
C’est là qu’il faut les voir, vous qui les pleurez et pour qui la joie actuelle est enveloppée de deuil. Pensez qu’eux aussi comme nous et mieux que nous, ils jouissent là-haut de cette victoire qu’ils ont achetée au prix de leur sang !

Avec le Chœur des Anges, avec la glorieuse armée des Martyrs, ils chantent au ciel un TE DEUM, dont le nôtre ne peut être qu’un faible écho.

Dans l’euphorie de la Victoire, chacun souhaite que le même spectacle d’Union Sacrée, tel qu’il a été vécu à Saint-Brieuc, puisse se reproduire partout et donner naissance à un monde meilleur !

Prières et chants pour le temps de guerre

Le Pater Noster des Familles en deuil

Notre Père qui êtes aux cieux, Père de celui que vous avez appelé au Paradis.
Que votre nom invoqué par lui dans la détresse soit sanctifié par lui dans la félicité éternelle
Que votre règne arrive, qu’il se réalise pleinement en mon âme brisée mais soumise, comme il se réalise en son
âme unie à votre divinité.
Que votre volonté soit faite sur la terre, dans les larmes de votre servante, comme elle est faite au ciel, dans la joie
par celui qui qui est devenu l’héritier de la céleste Patrie.
Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien : à lui le pain du Paradis : la Gloire ! A moi le Pain de ce monde : la
Grâce et l’Eucharistie.
Pardonnez-nous nos offenses, à lui parce qu’il s’est immolé dans l’héroïque accomplissement du Devoir, à moi
parce que je souffre.
Pardonnez-lui, pardonnez—moi, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé, même à ceux qui l’ont tué.
Ne nous laissez pas, ni moi, ni ceux qui l’aimaient succomber à la tentation, en particulier à celle du murmure et de
la plainte ;
Mais délivrez-nous du mal, du péché, des malheurs dans cette vie et dans l’autre. Ainsi soit-il

Magnificat :

Gloire à nos Armées qui si longtemps ont souffert et combattu héroïquement pour nous !
Gloire à la France qui ne saurait périr. Après avoir monté un long et douloureux Calvaire et s’être vue presque agonisante, elle revit pour occuper sa place dans le monde, triomphante et glorieuse !
Et surtout, Gloire à Dieu qui toujours veillait sur sa nation de prédilection qui, depuis le début des hostilités, nous montra tant de fois qu’il était là et qui aujourd’hui exauçant nos prières et nos vœux, nous accorde avec la Victoire, la Délivrance et le Salut ! 

Le « De Profondis » des disparus

Ayez pitié, Seigneur, de ceux qui ne sont plus Ensevelis sans nom, en des champs inconnus,
Ayez pitié de ceux qui dorment sous la croix,
Dispersés dans les champs, les coteaux et les bois,
Ayez pitié des morts des sauvages assauts,
De l’abîme profond de leur iniquité,

Qui donc pourra Seigneur, vous implorer pour eux ?
Mais vous nous l’avez dit, mon Dieu, vous êtes bon,
De votre sein jaillit, par torrents, le pardon,
Des liens du péché qui meurtrissent leur chair,
Délivrez, délivrez tous ceux qui vous sont chers,
Les yeux illuminés par des soleils plus beaux,
Qu’ils dorment dans la Paix, leur éternel repos !

Louis-Claude Paturel.

 

Défilement vers le haut