Agir concrètement face à la précarité

Dans notre société axée sur la performance, les personnes en situation de précarité restent souvent dans l’ombre. De nombreuses associations rassemblent des bénévoles très actifs sur le terrain. Rencontre avec trois d’entre eux.

Bordé par la mer, situé à proximité d’une grande ville, on pourrait croire que le territoire de notre communauté pastorale est peu concerné par la précarité. Ce n’est pas le cas. Au sein des associations, des bénévoles se démènent quotidiennement pour apporter un logement, de quoi manger, un accompagnement dans les démarches ou un peu de convivialité à des personnes démunies.

Sylvie Marc, pour « Les Amarrés du Légué »

L’activité des Amarrés du Légué a démarré il y a une vingtaine d’années à partir des tables ouvertes. Dans le cadre du Secours Catholique, à l’initiative d’une sœur de la communauté du Légué, la distribution d’une soupe, un vendredi sur 2 au Légué, avait pour but d’accueillir et d’apporter un peu de chaleur aux personnes en situation de précarité.

Depuis, le public a évolué. Ce sont surtout des personnes seules qui recherchent la convivialité. Le groupe accueillants/accueillis est actuellement composé de 24 personnes qui se réunissent un jeudi sur 2 à la salle Edelweiss du Légué, pour le repas de midi. Après une baisse d’activité liée au Covid, les rencontres ont bien repris.

Dès 9 heures, six à sept personnes (accueillants et accueillis) s’activent à la préparation du repas. Nous avons la chance d’avoir les services d’un cuisinier professionnel bénévole. Nous voulons que tous aient du plaisir à bien manger : le repas est composé de la traditionnelle soupe, d’un plat et d’un dessert. Tout le monde met la main à la pâte dans l’esprit du Secours Catholique. En fin de repas, chacun met ce qu’il souhaite dans la caisse. La rencontre se termine vers 15 heures.

Les personnes accueillies nous connaissent par le bouche à oreille, la moitié du groupe participe depuis longtemps et des nouveaux se rajoutent régulièrement. L’intérêt des Amarrés est de briser la solitude chez des personnes qui n’ont pas d’autres contacts.

Contact : 07 86 17 83 37
Calendrier des Amarrés 2023-2024 : Les jeudis à la Salle Edelweiss du Légué.
Décembre 2023 :  7 et 21
Janvier 2024 : 4 et 18
Février 2024 : 1^er , 15 et 29
Mars 2024 :  14 et 28
Avril 2024 : 11 et 25

Arthur de la Villesboisnet pour  » L’Accueil Fraternel Sud Goëlo « 

C’est une association inter-paroissiale (Étables-sur-Mer / Plouha) née en 2016 suite à un appel du pape pour l’accueil des migrants, face aux difficultés rencontrées à Calais (« une famille par paroisse »). L’objectif de l’association qui regroupe près de 80 bénévoles et amis est d’accueillir sur le long terme toute personne en très grande difficulté. La procédure administrative pour obtenir des papiers est très longue, il faut souvent plus de 5 ans. Une famille ne peut pas se reconstruire et s’intégrer correctement si elle doit régulièrement déménager pour telle ou telle raison.

En 2018, via Escale Famille, nous avons été informés qu’une famille (un couple et deux enfants) cherchait de l’aide et un logement en urgence. Nous avons réussi à leur trouver un appartement à Binic et nous les avons aidés à faire face aux difficultés administratives auxquelles sont confrontés les migrants. L’aide apportée est une aide locale de proximité, les bénévoles sont très proches (géographiquement) des gens accueillis, c’est l’une des conditions de l’efficacité. Une petite équipe formée de 7 à 8 personnes se réunit une fois par mois pour accompagner cette famille dans les problèmes de scolarité, de santé, d’administration…

Nous ne faisons pas de collecte mais nous nous appuyons sur les associations qui existent : Secours Catholique, Secours Populaire, banque alimentaire, Habitat et humanisme, Resto du coeur… Nos bénévoles aident les personnes à frapper à la bonne porte et les accompagnent dans leurs démarches.

Quand on tombe dans la misère, on ne s’affiche pas. Et pourtant, cela se passe à notre porte.  Récemment, nous sommes venus en aide à une personne sur la paroisse, non migrante, qui n’avait plus de logement et dormait dehors. L’association s’est portée garante pour la caution et cette personne a pu se loger. Nous commençons et nous continuerons à l’accompagner.

Nous avons une relation transversale avec les accueillis, c’est ce qui fait notre force et notre liberté. Cela demande beaucoup de disponibilités pour les bénévoles qui doivent répondre aux sollicitations, parfois au pied levé. C’est une aventure d’équipe qui nous fait découvrir la fraternité et la relation à l’autre.

Contact Association Sud Goëlo :
asso.afsg@gmail.com
Mairie de Tréveneuc
2 Place du bourg
22410 TREVENEUC

Joseph Léchelard pour « l’accompagnement du Secours catholique »

 Je suis rentré au Secours catholique, il y a une vingtaine d’années comme bénévole puis comme trésorier au niveau départemental. J’ai découvert le monde qui nous entoure et j’ai pris conscience des pauvretés qui existent à notre porte, des gens à la rue, des personnes qui dorment dans leur voiture, même dans ma propre commune. Notre société est fragilisée. On peut penser que la pauvreté est prise en charge par les associations et ne pas se sentir concerné, à titre individuel. Pourtant chacun a son rôle à jouer.

Après 6 années de responsabilité départementale, je participe maintenant à l’équipe locale du Secours Catholique notamment pour l’accompagnement de personnes en situation de précarité.

Nous sommes toujours deux pour accueillir, soit au presbytère de Plérin, soit à la maison paroissiale de Pordic et parfois au domicile des personnes concernées. Le public accueilli est surtout composé de personnes seules, en majorité des femmes qui nous sont adressées par les services sociaux ou qui nous connaissent par le bouche à oreille.

L’accompagnement, c’est d’abord de l’écoute pour bien cerner les problèmes. C’est aussi des aides sous forme de chèques alimentaires, un soutien dans les démarches avec les banques, notamment dans les cas de surendettement.

Le Secours Catholique a également développé le micro-crédit avec taux réduit, par exemple un d’emprunt pour l’achat d’une voiture ou tout autre bien nécessaire à la vie courante. Dans ces micro-crédits, le Secours Catholique se porte caution pour une partie du prêt. En 2022, nous avons ainsi accompagné une quinzaine de familles. Nous pourrions sans doute faire plus mais nous sommes limités par le nombre de bénévoles.

Cela m’a permis de me rendre compte des situations de précarité qui existent à notre porte et que l’on ignore.

Contact : Délégation des Côtes d’armor
37 bis rue Coquelin
22000 SAINT-BRIEUC
Téléphone : 02 96 33 40 73

 A titre personnel qu’est ce qui vous motive à agir ?

Sylvie : j’aime être dans l’action concrète, sur le terrain, au contact des personnes. C’est ma responsabilité de chrétienne.

Arthur : J’ai constaté que l’on entasse souvent les pauvres avec les pauvres, les gens en situation de précarité sont logés dans des endroits où l’on n’a pas envie d’aller. Je voulais faire autrement en m’engageant. J’avais envie de travailler pour que les personnes en situation de précarité bénéficient des mêmes conditions que celles que j’accepterais pour moi.

Joseph : Ma motivation repose sur le texte de St Mathieu « J’étais nu et … »  Cette réflexion m’a permis d’aller vers les gens en situation de précarité. La fraternité me pose question. Ce n’est pas simple de prendre conscience de la misère qui nous entoure. Tous ensemble, nous pouvons le faire.

L’essentiel, c’est l’écoute sans porter de jugement. La solitude est un fléau, les personnes viennent nous rencontrer car elles n’ont parfois personne à qui parler.

Arthur : « N’ayez pas peur », nous a rappelé Jean-Paul II. Aujourd’hui la misère fait peur. Il faut dépasser cette vision. Nous sommes tous capables de faire quelque chose, chacun à son niveau. Dans nos associations, nous ne sommes pas des supermans. Nous donnons le temps dont nous disposons mais nous ne sommes pas parfaits.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Sylvie : Nous venons de changer de local, nous allons prendre le temps de nous installer dans la salle Edelweiss au Légué. Nous souhaitons recevoir plus de monde. Nous sommes situés près d’un arrêt de bus, ce qui facilite l’arrivée de personnes situées dans d’autres quartiers de l’agglomération briochine.

Joseph : Nous souhaitons aussi recevoir et accompagner plus de personnes en situation de précarité mais le facteur limitant est le nombre de bénévoles et la difficulté à les renouveler. Le rôle des associations est important, car sans les structures d’aides, le taux de pauvreté serait bien plus important.

Arthur : On peut rêver d’avoir plus de transports en commun car c’est un moyen essentiel pour les personnes en situation de précarité pour se déplacer, travailler et vivre normalement.

Notre colonne vertébrale, c’est notre Foi. Cela nous rend heureux de faire ce que l’on fait. On reçoit autant que l’on donne. Dans un monde où il y a un déficit de relations sociales, où seuls comptent le développement personnel, la performance, la compétition, nous devons tous nous sentir concernés par les personnes en situation de précarité. A l’image du colibri qui apporte sa goutte d’eau dans l’incendie, chacun peut apporter son aide.

Propos recueillis par Patrick Bégos