Homélie du 19ème dimanche ordinaire B – Samedi 10 et Dimanche 11 août 2024
Tréveneuc – Saint-Quay-Portrieux
De la récrimination au saut de la foi
Frères et sœurs,
Dans la première lecture comme dans l’évangile, un même mot peut qualifier l’attitude du prophète Elie dans sa marche au désert pour fuir l’hostilité et les contemporains de Jésus. Tous « récriminaient ». En effet, ce peuple à la tête dure et à la nuque raide est un peuple de « râleurs ». Mais ça c’était au temps du prophète Elie et à l’époque de Jésus. Aujourd’hui, nous sommes tous satisfaits de notre sort et nous préférons mettre en valeur ce qui va bien, ce qui est positif, ce qui est un enrichissement plutôt que de dénoncer la paille dans l’œil de notre semblable ! Quelle chance quand nous passons de la récrimination au dialogue, de la colère à la paix, de la tristesse à la joie, de la haine au pardon !
Face à la difficulté de la mission, nous pouvons comprendre que le prophète Elie manifeste son découragement, exprime son épuisement, sa désespérance. « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie » (1 R 19)
Et pourtant, au cœur de son épreuve, Dieu vient le rejoindre pour l’encourager à poursuivre sa mission. Il le fera par deux fois. Tout d’abord par une invitation à se lever, à se mettre debout, à se réapproprier l’attitude du corps qui se relève pour croire de nouveau en la vie ; puis par cette invitation « à manger ». Dieu commence par prendre soin de notre corps pour que nous puissions ensuite être en capacité de le laisser nourrir notre âme, notre cœur. Alors, encouragé par ce Dieu de l’Alliance, le prophète Elie peut se relever comme le Christ au matin de Pâques, et poursuive son chemin jusqu’à la montagne sainte.
Face à ces récriminations, Jésus pourrait aussi entrer dans la spirale de la déprime et renoncer à discuter avec ses contemporains qui doutent de son identité. Mais Jésus préfère poursuivre le dialogue, – faire un pas de plus avec eux, – et faire comprendre à ses contemporains que ce Jésus, homme de Nazareth, est le même que ce Fils de Dieu envoyé par le Père pour donner sa vie en rançon pour la multitude et pour nous nourrir du Pain de la Vie. Oui, Jésus les invite au saut de la foi : accueillir en lui le don de Dieu car toute sa personne est déjà Pain de vie et par toute sa personne et sa vie donnée et son sang versé il vient offrir le pain d’éternité qui rétablit la communion entre Dieu et toute l’humanité. « Moi je suis le pain de la Vie. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. » (Jn6)
Oui, en Jésus nous sommes nourris et rassasiés du pain d’éternité. Mais ne faisons pas trop vite le rapprochement avec l’Eucharistie.
Jésus nous nourrit d’abord du Pain de sa Parole, cette Parole que nous ne devons jamais cesser de « ruminer et d’intérioriser » comme le fit le prophète Jérémie en disant à Dieu : « Quand je rencontrais tes paroles, je les dévorais ; elles faisaient ma joie, les délices de mon cœur, parce que ton nom était invoqué sur moi, Seigneur, Dieu de l’univers » (Jr15,16)
En ce sens, la liturgie de la Parole a autant d’importance et de valeur que la liturgie eucharistique parce que, comme le dit le concile Vatican II, c’est une même action qui se déploie d’abord à la table de la Parole puis à la table de l’Eucharistie : l’action de Dieu qui se révèle par le pain de sa Parole et par le Corps du Seigneur Jésus-Christ (Cf. Dei Verbum n°21) .
Oui, Jésus nous nourrit du Pain de l’Eucharistie, de cette manne divine, qui fait que nous sommes en communion avec le Dieu de la Vie et de l’Amour et communion les uns avec les autres, pour former le Corps du Christ.
Alors, grâce à cette vie du Christ, nous devenons à notre tour, signe du Pain Vivant descendu du ciel pour toute l’humanité. Et nous pouvons mieux comprendre l’exhortation de St Paul : « N’attristez pas le Saint Esprit. Cherchez à imiter Dieu. Vivez dans l’amour, comme le Christ. » (Eph4)
Frères et sœurs,
A quelques jours de la fête de l’assomption de la Vierge Marie, elle qui a accueilli et porté « Le pain vivant descendu du ciel », pour nous l’offrir, heureux sommes-nous en ce dimanche d’être invités à passer de la récrimination à la rumination de la Parole de Dieu, à passer de la faim corporelle à la faim spirituelle, pour que, chaque jour, grâce à l’œuvre de l’Esprit-Saint, nous portions du fruit qui a le goût et la saveur de l’éternité, de la bonté et de la tendresse de Dieu, notre Père !