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Questions à … Aurélie et Victor Coutin : Quand la passion rencontre la mer

La pêche est une activité importante en Bretagne, notamment à Saint-Quay-Portrieux. C’est là que nous avons rencontré Victor et Aurélie qui nous racontent l’histoire de leur armement Ki Dour Mor, faite de passion, de liens, de détermination et d’humilité.

Victor Coutin, 35 ans, est marin-pêcheur depuis 2010 à Saint-Quay-Portrieux. Son épouse, Aurélie Guénue, 34 ans, a pris en charge la partie administrative de l’armement et la vente directe depuis 2017. Victor a d’abord été tailleur de pierre pour les monuments historiques. Il se réoriente vers la pêche en 2010.

Victor, qu’est-ce qui vous a motivé pour devenir marin-pêcheur ?

J’ai toujours baigné dans le milieu de la pêche. Mes parents ne travaillaient pas dans ce domaine, mais ils étaient très proches des marins, ils tenaient le bar des pêcheurs de Sous-la-Tour à Plérin. Mon frère est marin-pêcheur et je suis moi-même passionné par la mer, notamment par la pêche en plongée.

A 21 ans, j’étais sur l’un des pontons de Saint-Quay quand un patron cherchait un matelot. J’ai saisi l’opportunité d’embarquer sur son bateau pour un an. Après 6 mois d’école de pêche à Paimpol et divers embarquements, je me suis installé comme marin-pêcheur en 2017, en pêche en plongée avec un petit bateau, le Ki Dour Mor I (qui signifie loutre de mer en breton).

C’est un métier très physique et atypique avec des risques supplémentaires liés à la plongée. On est équipé de 2 bouteilles d’air et on plonge pour pêcher coquilles et ormeaux autour de 15 m de profondeur, de septembre à fin mai.

En 2022, un accident en mer aurait pu nous forcer à tout arrêter du jour au lendemain. Malgré quelques problèmes à la cheville, nous avons choisi de nous relever en gardant un profond respect de la mer et l’envie intacte d’offrir des produits d’exception.

Vous avez choisi de continuer la pêche ?

J’ai arrêté la pêche en plongée et racheté un bateau-épave qui avait coulé. Nous l’avons complètement restauré. C’est notre bateau actuel le Ki Dour Mor II.  Il est utilisé pour la pêche à la coquille Saint-Jacques d’octobre à fin mars, la pêche au casier (bulot) de mi-novembre à fin mai et la pêche au chalut notamment pour les céphalopodes (seiche, encornet), la sole et divers autres poissons.

Avec mon frère, nous avons un second bateau, le Kernéo, qui ne pêche que la coquille. Au total, dans l’armement, nous sommes 5 pêcheurs et nous tournons par équipes sur les deux bateaux, en général trois personnes pour la coquille et deux pour le chalut. Avec Aurélie, qui s’occupe de la vente directe et de la partie administrative, nous sommes six dans l’entreprise dont un apprenti.

La pêche en bateau est totalement différente de la pêche en plongée ?

Nous sommes plus autonomes avec la possibilité de sortir plus souvent alors que la pêche en plongée est tributaire de la météo. On ne peut pas faire de la pêche en plongée quand l’eau est trouble ou quand il y a de forts coups de vent. Par contre, les investissements sont triplés. Changer un moteur coûte 55 000 à 60 000 € sur un bateau de pêche contre 15 000 € sur un petit bateau de pêche en plongée.

La pêche en plongée dure deux heures, il faut une bonne condition physique et le corps doit fournir de gros efforts.

Aurélie, comment s’effectue la vente ? 

Sur une année, sur le Ki Dour Mor II, nous pêchons environ 40 t de coquilles Saint-Jacques, 33 t de bulots, 3 t d’araignée et 48 t de poissons (céphalopodes et diverses autres espèces). La coquille Saint-Jacques est vendue pour 60 % en vente directe et pour 40 % à la criée ou aux mareyeurs.

Pour la vente directe, nous avons un local à la Zone de l’Etang à Plouha où nous vendons la coquille aux particuliers, sur commande, le lundi et le mercredi, de 18 h à 19 h, d’octobre à mars. Nous vendons aussi la coquille en ligne, sur internet. Mise en bourriche dès le retour de pêche, le lundi soir et le mercredi soir, elle est livrée le lendemain à J+1 dans toute la France.

Quand Victor plongeait pour pêcher des coquilles, nous vendions aux restaurateurs. Nous avons arrêté car c’est un marché de niche qui demande beaucoup de logistique au niveau de la livraison pour de petits volumes. Que la pêche se fasse sur bateau ou en plongée, ce sont les mêmes zones de pêche et les mêmes coquilles. La pêche en plongée a simplement une image différente dans l’esprit des consommateurs.

Marin-pêcheur est un métier qui comporte beaucoup de contraintes et de risques ?

C’est un métier éprouvant physiquement avec beaucoup de risques d’accident. Quand les dragues remontent les coquilles, il y a beaucoup d’adrénaline dans la tête des pêcheurs car on se demande  combien de coquilles il va y avoir. Il y a aussi la peur d’avoir, dans les dragues, de gros cailloux qui pourraient déséquilibrer le bateau.

Le temps de pêche est limité, il faut aller vite dans l’humidité et le froid. En cette période d’automne-hiver, il peut y avoir de gros creux dans les vagues, de la pluie en abondance, … C’est un boulot de fou. Heureusement, il y a parfois un beau soleil.

La pêche au chalut se pratique la nuit. On part vers 15 heures et on rentre avant 6 heures du matin pour la vente du poisson à la criée. Et la nuit, les repères ne sont pas les mêmes. Le danger peut être permanent.

A l’inverse, parfois la mer est calme comme un lac. C’est super agréable. On travaille dans un bel environnement, en totale liberté, sans hiérarchie. Beaucoup d’entre nous ne tiendraient pas longtemps dans un métier de bureau ou d’usine. Marin-pêcheur, c’est un travail varié, stimulant. D’un jour à l’autre, ce n’est jamais pareil. Avoir son bureau sur l’eau est un luxe. C’est un métier de passion mais c’est dur avec le sel, le soleil, la fatigue. Si on le fait uniquement pour l’argent, on ne tient pas longtemps.

Dans le contexte actuel de baisse de la ressource et de concurrence avec les pêcheurs d’autres pays, que pensez-vous de l’avenir pour la filière pêche en Bretagne ?

La pêche est cyclique au niveau des espèces et des volumes. Certaines espèces de poissons diminuent voire disparaissent, d’autres augmentent. Le changement climatique peut aussi modifier la ressource. Les volumes de bulots sont, par exemple, en baisse constante. Par contre, la pêche à la coquille Saint-Jacques est dans un cycle favorable depuis quelques années. On peut pêcher jusqu’à 1 tonne de coquilles par marée contre 300 à 350 kg il y a quelques années.

Globalement, pour l’ensemble des poissons, dans notre zone, nous ne sommes pas impactés par le Brexit et les pêcheurs anglais, contrairement à nos collègues normands.

L’installation des éoliennes au large d’Erquy a modifié l’étendue de notre zone de travail.  Elle a densifié l’effort de pêche : il y a donc plus de bateaux sur une zone réduite. Il est trop tôt pour mesurer l’impact réel des éoliennes, on va le découvrir au fur et à mesure.

Y-a-t ’il un renouvellement suffisant du nombre de marins-pêcheurs dans la zone de Saint- Quay ?

Les jeunes sont intéressés par le métier. Depuis 2017, notre armement a recruté plusieurs « contrats pro ». Ce sont des études en alternance, par apprentissage, sur 7 mois et demi, qui permettent d’être embarqués comme matelot. Dans notre armement, nous avons eu, ces dernières années, quatre jeunes en contrat pro qui se sont ensuite installés en tant que capitaine de pêche avec leur propre bateau.

Les embauches restent quand même compliquées. C’est un milieu où il n’est pas facile de trouver de nouvelles têtes pour être matelots. Beaucoup veulent s’installer à leur compte, attirés sans doute par le côté « paillettes » mais il y a aussi beaucoup de challenges à relever.
Dans la zone de la criée, (Saint-Quay, Loguivy, Erquy, Saint-Cast), il y a environ 180 bateaux de pêche dont 90 à 100 sur Saint-Quay.
Marin-pêcheur est un beau métier de passion. On travaille des produits d’exception comme les araignées, les homards et la coquille Saint-Jacques.

Vous avez faire bénir votre bateau l’an dernier, lors de sa mise à l’eau. Quel était le sens de votre démarche ?

Pour nous, le Ki Dour Mor II est en quelque sorte une renaissance car il s’agit d’une épave qui avait coulé et a été entièrement restaurée. Cela nous tenait à coeur de le bénir. C’est la tradition et c’est peut-être aussi le côté superstitieux du marin qui doit faire face aux éléments sur une mer parfois déchaînée. Le Père Damien qui a béni le bateau a été authentique dans ses paroles. La cérémonie a marqué le renouveau du bateau, un moment très émouvant pour la famille, pour l’équipage, et pour les collègues marins. Un an après, on nous parle encore de cet événement qui a frappé les esprits.

Propos recueillis par Patrick Bégos

 

 

L’armement, bien plus qu’une équipe unie par la mer
– Victor, armateur et patron pêcheur du Ki Dour Mor II, guidé par sa passion de la mer.
– Aurélie, sa compagne, l’âme de l’équipe à terre, s’assure que chaque produit arrive jusqu’au client dans les meilleures conditions.
– Pierre, frère de Victor, a une grande expérience de la pêche (plus de 20 ans). Ensemble, ils partagent complicité et respect mutuel.
– Yanis et Babacar, matelots, sont les piliers de l’équipage, dont l’expérience, le sourire et la bonne humeur sont des atouts précieux.
– Benjamin, apprenti en formation de pêche, découvre chaque jour, à leurs côtés, les joies et les défis de la vie de marin.

Contacts KI DOUR MOR :
Zone artisanale du Grand Etang Plouha
tél 06 74 42 44 93
Mail : contact@kidourmor.fr

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